Les nouveaux rois de la pop anglaise : Tom Odell
Seul face à
son piano, le jeune prodige décline toutes les facettes du sentiment amoureux,
et s’attire des comparaisons flatteuses avec les plus grandes icônes pop
britanniques. Il a déjà fait pleurer 80 millions de personnes avec son «
Another Love ».
Loin du profil
rugueux de leurs aînés des années 60-70, Hozier, Tom Odell, James Bay, George
Ezra, Benjamin Clementine et Jake Bugg incarnent un nouveau visage de la pop
britannique, plus édulcoré et consensuel, qui rassemble les générations autour
de sa musique aux influences folks, gospel ou country savamment diluées. Cette
redoutable dream team de minets pose ici devant l’objectif du légendaire David
Bailey, qui a immortalisé l’allure de Mick Jagger et consorts à la grande
époque du Swinging London.
Depuis, il
dort mieux. Depuis quoi au juste ? Le blondinet Tom Odell a retrouvé le sommeil
depuis qu’il écrit des chansons, “parce que, dit-il, auparavant je n’étais pas
satisfait de ne pas le faire”. C’est par ce genre de pirouettes que ce garçon
avenant, qui fêtera ses 25 ans en novembre prochain, légitime sa place parmi la
nouvelle vague des chanteurs adulés par les jeunes Britanniques. Son premier
album, Long Way Down, sorti en 2013, s’est taillé une route confortable sur les
ondes de la BBC et dans les late shows comme celui de l’incontournable
météorologue du climat musical britannique, Jools Holland.
Sa voix
puissante aux modulations impressionnantes, son piano tour à tour alerte et
fougueux, ses mélodies graciles qui ébrèchent le cœur ou le font s’emballer,
tout chez lui apparaît comme la parfaite conjonction entre le sentimentalisme
et la volonté de résonner avec les aspirations de son époque. Tandis qu’on le compare
à Elton John et à Bowie – carrément –, le poids de tels monuments, à l’ombre
desquels il ne pèse pas grand-chose pour l’instant, aurait pu l’intimider. Il
préfère s’en amuser : “J’ai simplement envie de prendre du plaisir. Je n’ai pas
pour ambition de dominer le monde avec ma musique, ni la prétention d’arriver à
la cheville de ces génies. Je voudrais juste continuer le plus longtemps
possible, laisser une petite trace, que des gens puissent réécouter mes
chansons dans vingt ans et se dire que ce garçon n’était pas mauvais.”
Sa tête a
su rester froide, même si la légende veut qu’avec l’argent versé par sa maison
de disques lors de la signature de son contrat, il ait préféré acquérir une
Mini Cooper d’époque plutôt qu’un plan épargne-logement. Cette signature, il la
doit à une bonne fée, venue un soir s’échouer dans un bar sans prestige où il
jouait ses chansons au piano, comme il le faisait depuis l’âge de 16 ans. La
bonne fée, c’est Lily Allen, bombinette pop pas tellement plus vieille que lui,
qui oriente son manager vers ce piano man éloquent qui a déjà un beau
répertoire sous le capot. “Écrire des chansons n’a jamais été une souffrance
pour moi, ça m’a toujours paru naturel. Le plus difficile, c’était de trouver
un chemin pour les faire entendre.”
Comme
presque tous les jeunes Britanniques en âge de tenir un instrument, il a joué
dans des groupes de lycée sans jamais se résoudre à leurs pénibles règles
égalitaires : “Un groupe, c’est l’addition de gens qui pensent rarement la même
chose mais qu’il faut passer un temps fou à accorder. Comme j’écris à la
première personne, que je compose ma musique, je n’avais pas réellement besoin
des autres. De toute façon, comme auditeur et comme musicien, la musique a
toujours été pour moi une activité essentiellement solitaire.” Tom Odell
prépare actuellement son deuxième album, pour lequel, dit-il fièrement, il a
pris les risques qui faisaient sans doute défaut au trop lisse Long Way Down.
Il cite cette fois pour modèle Randy Newman, dont il se contentait de reprendre
jusqu’ici I Think It’s Gonna Rain Today. Ambitieux.
Retrouvez
cet article dans son intégralité dans le Numéro Homme Force automne-hiver 2015,
disponible actuellement en kiosque et sur iPad. Photo David Bailey
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